logo RMC / Panique dans l'assiette

 

 

 

 

 

 

Gil Rivière-Wekstein invité de Pascal Perri sur RMC

 

 

RMC : Est-ce que le bio est un des arguments pour nous faire peur ?

GRW : Si je regarde aujourd’hui le nombre d’émissions de plus de 20 minutes qui sont passées à la télévision ou dans les grands médias, il y a eu rien que pour l’année dernière 85 émissions anxiogènes sur la nourriture. Soit une tous les 3 jours ! Vous imaginez bien qu’il devient naturel pour une personne qui entend constamment « il y a danger dans notre assiette » on comprend il y a « panique dans l’assiette ».

RMC : J’ai sous les yeux un numéro de « 60 Millions de consommateurs » qui s’appelle « Consommer sans s’empoisonner ». Qu’il s’agisse de l’alimentation, des produits ménagers, du jardin, des emballages alimentaires, du poisson, de l’eau du robinet, de la cosmétique… Partout dans la maison nous vivons en réalité entourés par des poisons. Je n’y crois pas vraiment ! Et je vais être très clair avec vous, je pense évidemment que la transformation industrielle des produits modifie notre environnement. Mais je pense quand même que l’arme de la peur va un peu loin ?

GRW : Oui ! Et puis c’est surtout répétitif. Par exemple. Il y a deux jours sur France 5 passait une émission sur l’alimentation. C’est une émission qui date de 2013, qui était donc une rediffusion avec toute une partie sur le saumon (on nous faisait peur sur le saumon, c’est plein de pesticides, etc….) Alors que 60 Millions de consommateurs publiait un article il y a trois mois qui indiquait qu’aujourd’hui il y a plus de problèmes dans les saumons bio que dans les saumons non-bio. Une des raisons est que le saumon bio contient plus de métaux lourds. Effectivement, il y a quelques années la filière du saumon conventionnel avait quelques problèmes qu’elle a résolus. Elle a fait attention, elle a évolué.  Et une émission qui date d’il y a trois ans ne prend aucunement en compte cette évolution. Pourquoi ? Parce que le but est de faire peur. Ça fait marcher l’audimat.

Est-ce cela pourrait-être une question de proximité ?

 

RMC : Moi aussi, j’ai tendance à considérer que les 2 règles que l’on pourrait appliquer dans l’agriculture pour l’alimentaire, au-delà du bio, c’est la proximité et la saisonnalité. Ça ne marche pas à tous les coups mais on pourrait commencer par ça. On parle de bio « low-cost ». C’est vrai que le bio belge, danois ou allemand c’est pas le nôtre.

GRW : Je pense aussi qu’il faudrait aussi arrêter avec tout ça. L’agriculture biologique a un cahier des charges bien déterminé, bien spécifique. Je pense que 90% des agriculteurs bio le respectent. Dans ce cahier des charges, les questions sociales comme la question de la proximité n’en fait pas partie.

Le cahier des charges bio c’est notamment ne pas avoir de produits chimiques comme des pesticides de synthèse. C’est-à-dire des produits faits par une entreprise chimique. Mais on peut tout-à-fait utiliser des pesticides naturels qui peuvent aussi être toxiques, même si les gens les utilisent dans le respect de la réglementation. Dans le cahier des charges bio, la question d’ « où vient le produit » n’est pas un élément.

RMC : Est-ce cela pourrait être un argument ?

GRW : Bien sûr ! Je ne vois pas en quoi quelqu’un qui respecte un cahier des charges en faisant du blé en Ukraine, son blé est aussi bio qu’un blé cultivé chez nous. Le sujet de la proximité est un autre sujet. On peut avoir des produits de proximité en France qui sont de bonne qualité mais aussi avoir des produits de proximité qui sont de mauvaises qualités. Mais c’est un autre débat. Le débat sur le bio et sur la proximité sont deux choses différentes.

Je pense aussi qu’il faut arrêter avec ce chauvinisme. Les Belges, les Allemands, les Danois font aussi de très bons produits. Nous sommes en Europe et il y a un cahier des charges européens qui est extrêmement rigoureux. Vous pouvez avoir confiance dans tous ces produits que nous mangeons et qui proviennent de l’Europe. Ces productions sont réglementées. Je ne dirais pas la même chose des produits qui viennent de Chine ou d’autres pays.

En parlant de proximité, imaginons que vous viviez à Lille. On ne va pas manger les fraises qui viennent de Belgique car elles sont trop loin et on va manger les fraises qui viennent du Sud de la France ! Ça n’a aucun sens. Dans ce cas, on va privilégier les produits qui viennent de Belgique.

Le bio et le goût

 

GRW : Concernant la question du goût. Il n’y a rien dans le cahier des charges de l’agriculture biologique concernant le goût. On peut donc avoir des produits bio excellents avec un très bon goût et des produits bio qui n’ont pas bon goût, comme on peut avoir de produits non-bio avec un très bon goût ou pas. Ce n’est pas un critère. C’est pourquoi j’avais intitulé mon précédent livre « Fausses promesse et vrai marketing ». Car les gens ne savent pas exactement ce qu’il y a derrière le label bio. C’est un label tout à fait respectable. Sa spécificité, c’est qu’il y a un mode de production particulier. Le bio n’utilise pas de pesticides de synthèse, mais elle utilise des pesticides qui ne sont pas de synthèse ! Et ça on oublie de le dire. Dans le bio, on demande même des dérogations pour l’utilisation de ces pesticides. Depuis trois ans, l’agriculture biologique demande des dérogations pour utiliser l’Huile de Neem qui est un perturbateur endocrinien avéré. C’est un produit naturel et les gens qui achètent le bio ne le savent pas. C’est pour ça qu’il y a un vrai marketing derrière.

Je voudrais juste ajouter quelque chose qui coûte beaucoup à l’agriculture biologique, c’est la question de la main-d’œuvre qui explique en partie qu’il y a plus des surcoûts. La bonne nouvelle pour l’agriculture biologique c’est l’arrivée de la robotique. Elle va lui permettre de réduire sa main-d’œuvre. Mais l’agriculture bio acceptera-t-elle d’être robotisée ? Ou cela va être aussi contre sa nature ? C’est ce genre de problèmes qui vont se poser à l’agriculture bio dans l’avenir.

RMC : Radio Brunet : Avez-vous confiance dans le label bio ?
Taggé sur :        

Pin It on Pinterest