AgriBuzz : On a l’impression quand on lit votre livre que cela va être mensonges, business et médiocrité ; journalistique et politique ?
GRW : C’est vrai ! Et les deux dindons de la farce, ce sont le secteur agricole et le consommateur. Ce que l’on découvre dans le livre c’est qu’on incite le consommateur à acheter des produits plus chers et qui ne lui apportent rien, et de l’autre côté, l’agriculteur a une très mauvaise image car il produirait des mauvais produits alors que c’est totalement faux ! En effet, aujourd’hui, nous n’avons jamais eu une agriculture d’aussi bonne qualité avec une grande variété de produits.
AgriBuzz : Pourtant l’agriculture a des moyens, de l’argent, des stratèges en communication, des lobbyistes. Pourquoi l’agriculture conventionnelle serait la seule proie médiatique facile ?
GRW : Je pense qu’il y a une spécificité avec l’alimentation. Elle s’agit du seul secteur économique dans lequel, on pense, quelque part ne pas avoir besoin de progrès ou d’innovation. Si je vous dis qu’on va faire de nouvelles semences pour de nouvelles tomates, vous allez me répondre : « Mais pourquoi ? Mes anciennes tomates sont meilleures. Les tomates de ma grand-mère étaient parfaites ».
L’alimentation est le seul secteur où la notion de progrès et d’innovation n’est pas une évidence.
AgriBuzz : Votre livre permet de comprendre que c’est une histoire de gros sous. D’un côté, l’agriculture biologique et, de l’autre, l’agriculture conventionnelle ; deux secteurs économiques qui s’affrontent, qui sont prêts à tout, quitte même à colporter de fausses nouvelles ?
GRW : Le terme « guerre économique » est correct. Mais elle n’oppose pas simplement l’agriculture biologique à l’agriculture conventionnelle. Il y a des filières qui sont mises en place qui ne sont de l’agriculture biologique : les marchés des produits sans viande ou celui du sans gluten. Un pour cent de la population est réellement allergique au gluten, or aujourd’hui 3 à 5% de la population achète des produits sans gluten alors qu’ils n’ont aucune raison de le faire.
L’ agroalimentaire et la grande distribution jouent à fond dans ces nouvelles filières et sur toutes les palettes : conventionnel, bio, « sans » ceci ou cela. A la fin, c’est toujours « sans » mais plus cher !
Aujourd’hui, le syndicalisme essaie de dire que toutes les agricultures sont viables, qu’elles doivent être défendues, les circuits courts, les circuits longs. Simplement il y a une limite dans cette approche puisque, dans une guerre économique il faut savoir qu’il y a ennemis. Ceux qui vendent des produits « sans » expliquent que l’ingrédient enlevé est d’une certaine manière dangereux. On n’est pas dans un débat de qualité où on choisirait entre un poulet label rouge et une poulet de moindre qualité. On est dans une confrontation dans laquelle un produit serait dangereux pour votre santé et l’autre serait la panacée. Et c’est là où cette guerre économique est très dangereuse pour le monde agricole qui a beaucoup de difficultés à l’appréhender.
AgriBuzz : Dans votre livre, vous dites que « manger bio, c’est une activité à risques ». Vous n’allez un peu trop loin ?
GRW : Il y a certainement un peu de provocation ! Mais il y a trois ans vous avez quand même eu plus de cinquante décès suite à une intoxication à des graines germées bio. Et c’est parce qu’elles étaient bio qu’il y a eu cette intoxication. Il me semble que c’est le plus grave accident sanitaire en Europe des vingt dernières années. Cinquante morts en Allemagne ce n’est pas rien ! Effectivement, ça peut-être une activité à risque ! C’est un peu de la provocation, car on peut évidemment manger des produits bio, comme les autres, sans souci. Nous avons aujourd’hui une alimentation dans l’ensemble des chaînes alimentaires qui est excellente et sans problème.
AgriBuzz : On comprend que c’est une affaire de gros sous et de rivalités économiques. Comment va se finir l’histoire ? Que pensera-t-on dans dix ans de ce que l’on a vécu entre le début des années 2000 et aujourd’hui ?
GRW : Je pense qu’il commence à y avoir une sorte de changement dans les mentalités. Nous sommes aujourd’hui dans une société très fortement anxiogène. Et pas seulement avec l’agriculture. Mais il y a une nouvelle génération qui commence à émerger, qui dit « Ça suffit vos peurs ! Passons à autre chose ». Je dirais même que peut-être l’élection d’Emmanuel Macron va dans ce sens-là. On en a ras-le-bol de ce discours fataliste et anxiogène. Encore faut-il que les gens aient les moyens de faire ce décryptage.
Je rappelle simplement qu’en 2015 il y a eu plus 85 émissions ou reportages à la télévision de plus de 20 minutes qui sont anxiogènes sur la nourriture. Il y a encore quelques jours une chaine de télévision a passé une émission déjà diffusée en 2013 sans prendre en compte le progrès et l’évolution de certaines filières. Aujourd’hui ce marketing de la peur continue. Ça marche, c’est clair. Mais il peut y avoir à un moment donné une lassitude et on se dira peut-être que l’on a traversé l’époque des « peureux » !